1750 – Faux acte d’inhumation établi par Augustin CAVEROT, curé de Nitry

1750 – Faux acte d’inhumation établi par Augustin CAVEROT, curé de Nitry

Il s’agit là d’un acte d’inhumation daté de 1750 et que le curé visiblement excédé a rédigé volontairement dans les actes de l’année 1667, année contenue dans un tout autre registre que celui en cours. En 1750 Augustin CAVEROT est curé de Nitry et s’il n’a pas établi l’acte en son nom, mais celui de « nabucodonosor », il s’agit bien son écriture. 

Augustin CAVEROT a une écriture assez large. Aussi lui faut-il de la place pour rédiger un acte. Il feuillette le registre et fait plusieurs tentatives pour tenter de le caser :

Il commence à rédiger son texte à la suite d’un acte du 5 juin 1668 établi par Olivier GRASSET desservant à cette époque la paroisse de Nitry.

Augustin CAVEROT (son écriture le différencie nettement de celle de GRASSET) date son acte du 6 juin, dans la continuité de la date qui précède. Il écrit « Le sixième Juin a esté inhumé Jean pain fil », et il ne va pas plus loin. Il juge qu’il n’y a pas assez de place pour la suite. 

Il trouve un emplacement après un acte du 7 avril 1669. La chronologie des actes n’est pas sa priorité. Il écrit : « Le 6e a esté inhumé Jean ». A nouveau il se rend compte qu’il n’y a pas la place nécessaire pour continuer.

Autre tentative en mai 1669. Il écrit après un acte du 4 mai : « Le six juin » et ne va pas plus loin.

Nouvel essai en 1667 (c’est le chaos dans ce registre et dans d’autres de Nitry. Les actes de 1668 et 1669 sont reliés avant ceux de 1667). En plus les feuillets de l’année sont reliés à l’envers donc les actes sont dans un ordre antéchronologique. Après un acte du 15 novembre il écrit :

« mort [en marge] Le 8 freuv ». Il s’agit bien de son écriture et non celle de Grasset qui trace les « f » différemment.

Finalement il trouvera presque assez de place, en haut d’une page, il finira son acte dans la marge de l’acte du 16 novembre 1667 qui suit son texte. Il écrit :

En marge : « mort Jean »

Le 8 novembre 1750 a este
inhumé dans La paroisse
de St. Christophle anitry Jean
pain fils de jean pain et de
marie renoldin dans les
quelles les partis ont dit
ne sçavoir signer, cette enterrement [ce dernier mot en abrégé]
a eté fait par nabucodonosor Ceux
et Celle qui demander Ce mortuaire [suite en marge de l’acte de 1667 qui suit]
non qu’a
La Lere
cherchere

Sources : Archives en ligne de L’Yonne : 
– [Nitry : BMS (1646-1692) – 5 Mi 624/ 1, pages 74 gauche, 81 gauche, 82 gauche, 87 (à l’envers) et page 86 (à l’envers) pour l’acte lui-même].
– permalien de l’acte : https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta534655773c822/daogrp/0/86

Est-ce volontaire ou la conséquence d’un excès de vin de messe ? La fin de l’acte ressemble au « Tra la la la la la la lère » que l’on entend dans certaines chansons enfantines. 

Qui est ce Jean PAIN ? 

Le couple Jean PAIN (également PIN) marié à Marie REGNAULDIN (également RENOLDIN) existe bien. Il est de Saint-Bris-le-Vineux. Ils ont un fils nommé Jean PAIN, né vers 1688, marié le 15 novembre 1711 à Joux-la-Ville avec une veuve, Jeanne BREUILLARD. Jean PAIN à son mariage était Recteur d’école à Annay-la-Rivière, Annay-sur-Serein de nos jours. Il sera Recteur d’école à Nitry en 1720, puis à Cravant où il décédera. Il sera inhumé dans l’église dudit lieu le 22 avril 1736. « L’an mil sept cent trente six le vingt deuxiesme jour d’avril a esté inhumé dans l’eglise honorable homme jean pain recteur de nos ecoles âgé d’environ quarente huit ans apres avoir receu les Sacrements de penitence eucharistie et extreme-onction en foy de quoy j’ai signé. Marie Curé de Cravant ».

L’acte établi par Augustin CAVEROT concerne donc très certainement ce Jean PAIN. La filiation est la bonne. Que s’est-il passé ? Pourquoi venir faire établir à Nitry un faux acte d’inhumation alors qu’il existe à Cravant ? On ne peut arguer de ne pas connaître où et quand est décédé Jean PAIN, car sa veuve est décédée à Cravant le 6 juin 1749 soit un an avant la rédaction du faux acte : « L an mil sept cens quarante neuf, le sixieme jour du mois de juin, est decedé en cette paroisse, et a été inhumée dans le Cimetiere, Jeanne breuillard veuve de deffunt jean pain, cy-devant Regent de Ecole de cette paroisse, agé de soixante deux ans, en presence de Claude miné, et Jean Carillon vignerons demeurants en ce lieu, qui ont declaré ne scavoir signer, de ce requis. J.P. Leviquel vic de Cravant » 

Que s’est-il passé exactement ? Visiblement il a été contraint d’établir un acte d’inhumation en 1750 d’une personne que nos recherches ont identifiée, et qui a été inhumée dans l’église de Cravant en 1736, et il a dissimulé cet acte dans un autre registre sans rapport avec les dates.

Les commanditaires, certainement haut-placés et les motifs de cette affaire demeureront à jamais inconnus. Est-ce un problème d’héritage ? Le faux acte est daté de 1750 alors que la veuve de Jean PAIN est décédée en juin 1749. L’acte établi par Augustin CAVEROT n’indique que la filiation du décédé et non, comme cela se faisait quand le curé l’indiquait, le nom de la femme du décédé, qui n’apparaît pas dans le véritable acte d’inhumation de Jean PAIN à Cravant. Avait-il un frère homonyme qui nous est inconnu ? Peu probable, il n’apparaît nulle part dans les relevés internet. 

Augustin CAVEROT quitte la cure de Nitry en avril 1751. S’il a antidaté l’acte de 1750, cela ne peut pas être après son départ de Nitry.

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