Décès d’un salpêtrier royal à Sacy

Le huictiesme novemb. 1668 est arrive un
accident de feu en les maisons appelles gauterot
qui ont este bruslées dans lesquelles estoit logé un
nômé Leonard Luinet salpestrier qui y fut bruslé
lui et sa femme, et le dixiesme du mesme
mois apres en avoir cômunique a nos superieurs et en
suitte de leur permission, et ayant este Informe des
vies et maleurs desdits desfuncts Jay procedé a leur
sepultures a la requisition d’Andre Luynet salpestrier
[rature] ordinaire du Roy son fils demeurant a
voutenet lequel André a desire estre faite
pour le repos des ames de ses pere et mere les
services qui sensuivent scavoir un service solennel
de trois grandes messes au jour le plus cômode
d apres leur sepulture avec un libera qui sera chanté
tous les dimâches pandant un an sur la fosse et
ledit Andre sest oblige a ce que dessus fait
ledit jour et an es presences de Leonard Piault maistre descolle
Ledit Luiney sest (mot non compris) [1] de tout ce que dessus »
Signé : A Luynet, Pottier [note : curé de Sacy]
Sources : [Sacy : BMS ( 1644-1684 ) – 5 Mi 709/ 4 page 105 droite, 1er acte] – permalien
Le salpêtrier :
« Anciennement. Ouvrier qui collectait le salpêtre ou travaillait à sa fabrication, notamment pour les
poudreries. Sous l’Ancien Régime, les salpêtriers avaient le droit de pénétrer dans les habitations pour récolter le salpêtre. » (Dictionnaire de l’académie Française)
Le salpêtre, ou nitrate de potassium, servait à fabriquer la poudre noire ou poudre à canon, une des rares
matières explosives connues depuis la fin du Moyen Âge en Europe .
« Sous l’Ancien régime la charge de salpêtrier du roi permettait de vivre très confortablement en étant payé par la ferme générale des salpêtres. Le monopole d’état du salpêtre ne prit fin qu’en 1819 ». (Wikipedia)
« Avant la Révolution, plus de la moitié du salpêtre employé en France provenait de l’Inde par l’entremise
d’importateurs anglais. Cette source était désormais interdite. » Sources : « Les pharmaciens et la récolte du salpêtre sous la Convention » éditions Persée.
Pendant les guerres révolutionnaires, il y eut pénurie de salpêtre, due notamment au refus d’autoriser les
fouilles par les habitants. Aussi le 5 juin 1793 est promulguée une loi autorisant les salpêtriers pendant la durée de la guerre la recherche de salpêtre dans les diverses dépendances (caves, cellier, granges, écuries… sans nuire à la solidité des murs et des bâtiments). [2]
La même année tous les citoyens sont autorisés à établir des nitrières artificielles. [2]
Le 9 nivôse du calendrier révolutionnaire était le jour dédié au salpêtre.
Le patronyme LUYNET n’est pas originaire de l’Yonne, il est y inconnu sur toute la base Geneanet, hormis
le cas de ces deux salpêtriers appartenant à une même famille et qui ont été inscrits sur Geneanet à l’occasion de cet article. Sans doute se sont-ils déplacés dans la région le temps nécessaire à la récolte du salpêtre, et ont-ils œuvré dans d’autres villages. Sans ce décès et cet incendie, leur présence ne serait pas connue.
Avant le 18è siècle, la base Geneanet enregistre le nom de LUYNET en 1698 à Montluçon (Allier), en 1625
à Les Neyrolles (Ain), en 1630 à Champdor (Ain), en 1598 à Saint-Arigne (Nièvre)
Les GAUTHEROT à Sacy, également orthographié GAUT(H)EREAU, GAUTROT, GAULTHEROT, et
autres variantes, nous avons :
Le couple Simon GAUTHEROT (né ?- dcd 1640), couvreur de lames et de tuiles, marié à Jeanne
PAILLOT (vers . 1569-dcd 1639) dont 5 enfants sont relevés sur les registres, nés de 1606 à 1615. Perrette
GAUTHEROT est marraine en 1609 de l’un d’entre eux.
Anne GAUTHEROT fille du couple, sera marraine en 1631 d’un enfant du couple Edme FAUVIN &
Jeanne GAUTHEROT sa sœur, en 1633 d’un enfant de Nicolas LONGPRÉ & Jeanne VIARD, en 1635 d’un enfant de Laurent COUCHAT & de Chrétienne GAUTHEROT sa sœur, en 1638 d’un enfant de Hugues COLLINET & Magdelaine MENANT ainsi que d’un enfant de Jean TILLIEN & Jeanne MILLETAT, et en 1639 d’un enfant de Jean GAUTHIER & Jeanne MIDÉE et aussi d’un enfant de Thomas ROUARD & de Jeanne BERAULT.
Anne épousera Jean DUMONT. Un enfant né en 1644 est relevé.
Jeanne GAUTHEROT autre fille, épousera Edme FAUVIN du Val-du-Puits de Sacy. 6 enfants du couple
sont inscrits sur les registres de 1626 à 1638. Bastienne (Sébastienne) GAUTHEROT est marraine en 1626 de l’un d’eux, Simon GAUTHEROT, grand-père est parrain d’un autre en 1627, Ledit Simon GAUTHEROT est parrain en 1611 d’un enfant de Jean GUERAULT, en 1622 d’un enfant de Blaise MARCEAU et de Marie ROUARD, et en 1627 d’un enfant de Edme FAUVIN & Jeanne GAUTHEROT sa
fille.
Chrétienne GAUTHEROT (1615-1684), également fille de Simon et de Jeanne PAILLOT est mariée à
Laurent COUCHAT (1605-avant 1677). 7 enfants du couple sont relevés de 1633 à 1648. Le parrain en 1637 est le père de Chrétienne. La marraine en 1633 est Jeanne PAILLOT sa mère. Ladite Chrétienne sera marraine en 1641 d’un enfant du couple Jean COUCHAT et Jeanne BONNET ainsi que d’un enfant de Jean TILLIEN & Nicolas BRÉVIN.
Jeanne GAUTHEROT & Jean CORNEVIN se marient en 1611 à Sacy. L’acte succinct en latin est
malheureusement sans filiations.
Quatre enfants du couple sont relevés de 1613 à 1617. Nous n’en savons pas plus sur ladite Jeanne. Elle est de lamême génération que Simon GAUTHEROT marié à Jeanne PAILLOT. Elle pourrait être sa sœur.

Toujours de la même génération que Simon et Jeanne GAUTHEROT épouse CORNEVIN, nous avons
Thomasse GAUTHEROT marraine en 1626 d’un enfant de François MILLETAT et de Jeanne COLLINET.
Thomasse s’est mariée avant 1606 à Sébastien MILLETAT (aussi MILLETARD & MILTARD) du Val-du-Puits de Sacy. L’exploitation des registres détermine (nous n’avons que 3 actes de baptême de 1606 à 1615) la naissance de 5 enfants.
Sébastienne GAUTHEROT est marraine en 1626 d’un enfant du couple Edme FAUVIN & Jeanne
GAUTHEROT et d’un enfant de Jean MIDÉE et Noée (Noëlle) BOUJAT. Elle se mariera à François COUCHAT,
dont enfant né en 1635. Sébastienne pourrait être la fille de Simon & de Jeanne PAILLOT, mais aucun acte ne l’indique.
Ces GAUTHEROT de Sacy semblent bien être a priori les membres d’une seule famille. Avec le décès en
1684 de Chrétienne, le nom disparaîtra des registres. Il réapparaîtra plus d’un demi-siècle plus tard lors du décès à Sacy le 7 août 1740, où elle est certainement placée en nourrice, mais l’acte ne le précise pas, de Elisabeth GAUTHEROT née à Vermenton le 14 mai 1740, fille de Edme GAUTHEROT (fils Gabriel et Marie ANCEAU) de Vermenton et de Edmée Morache qui décèdera à Vermenton. 2 jours après la naissance de sa fille. Le couple s’était marié à Vermenton le 28 février 1724.
Et si le nom des GAUTHEROT a disparu de Sacy à la fin du 17è siècle, il n’en demeure pas moins que de
nos jours des gens en descendent.
Il aurait été intéressant de savoir dans quelle partie du village se situait cette maison GAUTHEROT. Nous
avons une idée de où demeuraient certaines familles de Sacy dans la première moitié du 18è siècle quand Rétif de la Bretonne écrit « J’avais huit ans, lorsque 1742 mon père quitta la maison de la porte Là-bas, qui appartenait à mon frère utérin Boujat, pour aller demeurer à la Bretonne, où était un fermier. Je fus ainsi éloigné de M’lo, de toute la longueur du village : car la Bretonne est à la porte Là-haut, et hors des murs, à plus de trois cents pas. Les eaux de la Farge coulaient alors ; ce qui suffisait pour interrompre la communication entre le bourg et moi. Je ne vis plus mon premier camarade ; ce fut Etienne Dumont, fils d’une bru de Christophe Berthier, qui le remplaça » (Monsieur Nicolas).
« La porte Là-bas » est la maison natale de l’écrivain, sise en face de l’église. La métairie de la Bretonne
« La porte Là-haut » est située à l’autre bout du village sur la route de Joux-la-Ville. Mais rien ne permet de déterminer dans quelle partie du village était située la maison GAUTHEROT.
Si quelques noms ont survécu à Sacy depuis le premier registre de cette paroisse qui nous sont parvenus
avec malheureusement des lacunes, et qui remontent à la fin du règne de François 1er, à savoir le milieu du 16è siècle [3], il est édifiant de constater le nombre de patronymes qui ont disparu sans être restés dans la mémoire des habitants « de souche » du village. Il faut savoir aussi que nombre de noms de ces habitants « de souche » ne sont apparus qu’au cours des siècles suivants ce premier registre.
La disparition des patronymes historiques des villages s’est accentuée dans la première moitié du 20è siècle. Le partage des terres dans les familles ne suffisait plus à leur subsistance et a entraîné une migration importante dans les grandes villes. Néanmoins, l’attache de ces gens à leur village ancestral, où certains y étaient nés se constate souvent parce qu’ils s’y sont fait enterrer. Et pour certains noms qui ne sont pas du cru, un peu de généalogie montre qu’ils y sont parfois originaires par leur mère.
Mais de nos jours, de par l’achat de résidences secondaires par les « parisiens », mais aussi de résidences
principales par des gens qui travaillent dans les environs, il ressort qu’il ne reste que très peu de noms historiques dans le village de Sacy (comme ailleurs), et dans une génération il n’en restera plus.
[1] mot non compris. Une autre personne qui déchiffre très bien les écritures lit également « mocque », mais cela n’a aucun sens car André Luynet est le demandeur. D’autre part le mot est coiffé d’un trait, ce qui déterminerait qu’il s’agit d’une abréviation.
[2] voir article complet sur le sujet d’où sont extraits ces renseignements ; « La Gazette Web, l’Almanach Paysan, Nos ancêtres ruraux au fils des saisons : La Révolution Française : La naissance du patriotisme (4e chapitre) – www.histoire-genealogie.com
[3] Plus précisément la date du premier acte du plus ancien registre de Sacy qui nous soit parvenu est 1538.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts date de 1539.
« Par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée en 1539, François Ier déclare le français langue officielle (à
la place du latin) et décide la création des registres de naissance, de mariage et de décès dans les paroisses. Pour la première fois, la population peut être évaluée avec précision. Cette ordonnance marque une étape dans la centralisation du pouvoir et l’importance de l’administration. » Source : Bibliothèque Nationale de France
Finalement, cette ordonnance n’a été que la généralisation de la tenue de registres paroissiaux dans tout le royaume, car dans d’autres lieux comme Auxerre, des registres d’avant l’ordonnance nous sont parvenus. Même à Sacy, le plus ancien registre qui nous soit parvenu débute avant l’ordonnance.
Quant au latin, il a continué à être employé par nombre de prêtres dans la rédaction des actes, bien
longtemps après l’ordonnance.