Les Eaux de Sacy
En 1794, lorsque Restif de La Bretonne écrit la première époque de Monsieur Nicolas, il évoque Le Moulinot, un petit moulin alors disparu, dont ne subsistent que les ruines .
« 1737… Anne, ma sœur et marraine, venait d’être mariée à Vermenton. En la reconduisant, le jour qu’elle alla demeurer chez son mari, on m’avait porté sur les bras jusqu’au Moulinot (1). Je profitai, dès le lendemain, du premier instant où on me laissa seul, pour suivre le même chemin ; et j’allais, j’allais …Une femme du village, la bonne Claudine Sirop, me rencontra sous la Côte-des-Prés, tout près du Moulinot : voyant sur le chemin, seul, un enfant qui marchait à peine, elle présuma que quelqu’une de mes sœurs était dans les vignes. Elle les appela. Mais personne ne lui répondant, elle vint à moi, en me disant : – Hé ! Où allez-vous donc, Monsieur Nicolas ? – Je m’en vas voir ma sœur Anne, à Vermenton, chez son mari qui l’embrasse. – Tout seul mon bel ami ? – Oui. – Revenez avec moi, mon poulet ; les charrettes vous écraseraient ! » Elle me prit la main, pour me ramener. Je résistais, en criant : – « Menez-moi à Vermenton ! » Mais il fallut céder à une main plus forte que la mienne, la mère Sirop me porta ; je lui dis des injures, et je méditai de l’accuser à mes parents de m’avoir battu. Arrivée chez nous, elle conta le fait. On la remercia fort ! Pour moi, je l’appelais la vilaine femme ! Et j’intentai mon accusation. …. – » Quoi ! Mon petit ami, je vous ai battu ? » Je fus bien puni …
(1) Ce petit moulin n’existe plus , mais on en voyait encore les ruines dans ma jeunesse. Ceci prouve une vérité physique très importante : c’est la diminution successive des sources et des rivières. Pour que le Moulinot allât, il fallait que les Fontaines de Joux coulassent jusqu’à Sacy, avec celle de la Chapelle, la grande source de la Farge, les deux Fontaines Saint-Jean, dont la méridionale est tarie depuis cent ans. La Fontaine de la maison de la Bretonne, et des Toûs du Crôt-Domo : il fallait, dis-je, que tout cela coulât par la levée, au milieu de laquelle existent encore les restes du bassin qui était le point de réunion, et dans lequel j’ai vu du poisson, durant ma première enfance. Qui a tari ces sources très promptement ? L’essartage de toutes les collines, qui non seulement les a privées de leur humidité, mais a facilité leur dégradation par les pluies, au point que j’ai vu le sol des Prés-des-Roies ou des rigoles s ‘élever de quatre pieds, et de noyé qu’il était, devenir excellent. La terre vieillit et se dessèche comme nous. »
Monsieur Nicolas (1794) – Nicolas Edme Restif de la Bretonne
Ce récit témoigne du fait que beaucoup plus d’eau coulait des sources que de nos jours et Rétif déplore déjà leur tarissement dû au déboisement.
Il existait donc à Sacy un petit moulin alimenté par ces sources, moulin déjà en ruines dans sa jeunesse. Il y a bien un lieu dit « Les Moulinots » à Sacy, qui se trouve sur l’ancienne et actuelle Route de Vermenton, au niveau de l’ancienne station de pompage entre le débouché de la vallée du Vau Franc et de celle du Vau de Lannard.
D’après l’auteur, ces faits se déroulent en 1737. Effectivement sa sœur Anne (née à Sacy le 11 février 1714 du premier mariage de son père avec Marie Dondaine), s’est mariée le 25 avril 1737 à Sacy et non à Vermenton avec Michel Linard de Vermenton. ce que confirme la phrase « En la reconduisant, le jour qu’elle alla demeurer chez son mari ». D’ailleurs la coutume veut que le mariage soit célébré dans la paroisse de la future.
Rétif est né en octobre 1734, il avait donc deux ans et demi lors de cette histoire.
Identification de Claudine Sirop :
Il s’agit de Claudine Sirot (également orthographié Sirop / Syrot / Syro / Cirot), née vers 1665, fille de Edme et de Marie TABARD de Sainte-Pallaye, elle est décédée à Sacy le 5 octobre 1745 et a épousé Jacques Boujat à Sainte-Pallaye le 8 novembre 1694.
Plusieurs enfants sont nés de cette union.
Il est par ailleurs intéressant de constater qu’il n’y a aucune mention de moulin ou meunier de Sacy sur les registres paroissiaux de Sacy qui débutent bien avant la naissance de Rétif.
La Farge est une source sur Nitry. Elle inondait donc Sacy, à l’embranchement de la route avant la métairie, au niveau de l’intersection de Sacy, Joux-la-Ville et Nitry. La Farge ne coule plus, ou presque plus.
J’avais huit ans, lorsque mon père quitta la maison de la porte là-bas, qui appartenait à mon frère utérin Boujat, pour aller demeurer à la Bretonne, où était un fermier. Je fus ainsi éloigné de M’lo, de toute la longueur du village : car la Bretonne est à la porte là-haut, et hors des murs, à plus de trois cents pas. Les eaux de la Farge coulaient alors ; ce qui suffisait pour interrompre la communication entre le bourg et moi. Je ne vis plus mon premier camarade ; Ce fut Etienne Dumont […] qui le remplaça.
Monsieur Nicolas (1794) – Nicolas Edme Restif de la Bretonne
« La maison de la porte là-bas » dont parle Rétif est la maison où il est né est située face à l’église et appartenait à Edme Boujat, premier mari de Barbe Ferlet.
Identifications :
Le frère utérin Boujat : il s’agit d’Edme Boujat, chirurgien, né à Auxerre paroisse St Eusèbe le 16 janvier 1723, fils de Edme (bourgeois et marchand à Sacy et du premier mariage de Barbe Ferlet mère de l’écrivain), décédé d’une chute de cheval à Ponthierry (77) le 21 juin 1750, marié à Ponthierry le 27 janvier 1750 avec Catherine Patris.
Étienne Dumond né à Sacy le 26 janvier 1735, fils de Jean et du second mariage d’Ursule
Disson est décédé à Sacy le 12 germinal an 10 (2 avril 1802). Il a épousé à Sacy le 19 novembre 1765 Agathe Vézinier (née à Sacy le 5 février 1746, fille de Thomas et de Marie Rouard). De ce couple, aucun enfant n’est enregistré sur les registres paroissiaux de Sacy.
Ces inondations expliquent peut-être l’existence d’une chapelle dont parle Rétif qui est visible sur la carte de Cassini (vers 1750), la Chapelle Ste Madeleine.
Le creusement du Ru dans les années 60 a contribué au rapetissement de la mare et a mis fin à l’inondation des prés. Avant son existence, les eaux ruisselaient depuis la route de Nitry et de Joux.