Élise SARAZIN, bigame décédée deux fois ou l’énigme des jumelles SARAZIN
François SARAZIN naît le 11 mars 1839 à Jouarre, près de Meaux en Seine-et-Marne, fils de Marie Nicolas Pierre, cultivateur et de Élisa Pauline DRIOT.
Il quitte la ferme de la Loge de la Ferté-sous-Jouare en Seine-et-Marne pour s’installer comme berger à Courtenay, hameau de Vermenton près la Ferme de la Loge de Sacy.
Il se marie le 27 août 1861 avec Marie Liza BÉRAULT. Le patronyme BÉRAULT est déjà présent à Sacy sur les premiers registres paroissiaux qui nous sont parvenus (fin du XVIème siècle).
Ils seront en 1925 les arrière-grands-parents de l’écrivain Jacques LACARRIÈRE (1925-2005).
Le 18 février 1863 naissent à Courtenay deux sœurs jumelles nommées dans l’ordre du registre de l’État-Civil de Vermenton, Alexandrine et Élise.
Leur frère François Alexandre naît à Sacy le 14 janvier 1865 où le couple a déménagé. Le père de famille y exerce l’emploi de cantonnier. Il est dit également dit propriétaire à Sacy. François Alexandre épousera le 04 avril 1891 Marie Henriette Séraphine MENANT.
Les deux sœurs se marient chacune sous le nom de « Élise SARAZIN », et ce en présence de leur père et mère. Et chacune sera prénommée Élise sur les autres actes d’État-Civil.
L’une épouse à Sacy le 22 avril 1879 Louis MAUDINÉ (1850-1938) du Val-du-Puits de Sacy. Mariée sous le nom de Élise SARAZIN, elle signera « Zoé Sarrazin » et c’est ce surnom qui apparaît sur sa tombe à Sacy.
Le 19 mai 1887 naît Zélima Herminie Palmyre MAUDINÉ, leur fille déclarée dans son acte de naissance comme étant fille de Louis MAUDINÉ cultivateur à Sacy, qui déclare la naissance de sa fille, et de Élise SARAZIN son épouse. L’acte de mariage de Zélima indiquera la même filiation. La mère de Zélima signera « Sarrazin Élise ». L’acte de décès de Zélima n’est pas en ligne.
L’autre jumelle, qui signe « Sarazin » et qui demeure à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) y épouse le 30 juin 1894 Léon Théodore LACARRIÈRE. Ils seront les grands-parents de l’écrivain.
René Léon LACARRIÈRE, père de l’écrivain, né le 21 novembre 1895 sera dit dans son acte de naissance, fils de Léon Théodore LACARRIÈRE, employé au chemin de fer (qui déclare la naissance) et de Élise SARAZIN. L’acte de mariage de René Léon indiquera la même filiation. Son acte de décès (18 octobre 1970 à Orléans) n’est pas en ligne.
Le 30 juin 1898 Léon Théodore LACARRIÈRE déclarera la naissance survenue le même jour de son autre fils Louis Gaston LACARRIÈRE, la mère de l’enfant sera nommée dans l’acte Élise SARAZIN.
Comment cela a-t-il pu être possible ?
La mention lors d’un mariage portée en marge des actes de naissance des époux est devenue obligatoire le 17 août 1897. Les deux sœurs s’étant mariées avant cette date, la Mairie de Vermenton n’a rien remarqué. Elle a délivré le même acte de naissance, celui de Élise SARAZIN pour chacune d’elles.
De même, la mention marginale de décès portée sur les actes de naissance date de l’ordonnance du 29 mars 1945.
Zoé décède à Sacy en 1935, avant cette ordonnance.
L’autre jumelle décède à Orléans le 11 avril 1950. En vertu de l’ordonnance, en marge de l’acte de naissance de Élise SARAZIN est ajoutée la mention de ce décès. Mais était-elle bien Élise ?
Il est trop tard pour savoir qui était Élise et qui était Alexandrine. Seuls les parents auraient pu les distinguer – et encore, on peut en douter puisque les deux jumelles se sont mariées en leur présence sous le prénom de Élise et donc chacune avec le même extrait d’acte de naissance, les actes étant cités lors de la célébration des mariages.
Au regard des actes, Élise SARAZIN est bigame et est décédée deux fois.
La mairie de Vermenton n’a pas eu à gérer ce problème, car les dates des ordonnances prescrivant les mentions de mariage puis de décès ont été antérieures au seul décès de la Grand-mère de l’écrivain.
Comme pour beaucoup de familles, celle des SARAZIN sera endeuillée lors de la première guerre mondiale :
Ernest Alphonse dit Maurice SAUTEREAU, qui avait épousé Zélima Hermine Palmyre MAUDINÉ, fille de Zoé, est tué le le 22 août 1914 à Signeulx en Wallonnie. Zélima décédera en 1938 (inscription sur sa tombe à Sacy).
Fernand Gaston SARAZIN né le 15 novembre 1892 à Sacy, fils de François Alexandre SARAZIN (frère des jumelles) et de Marie Henriette MENANT, sera tué à Vauquois dans la Meuse le 17 mars 1915.
Jacques LACARRIÈRE, propriétaire de la maison d’Henriette MENANT sa grand-tante décédée, détenait plusieurs cartes de correspondance adressées par Henriette à son fils unique Fernand SARAZIN, parti sur le front. Henriette s’inquiétait de son silence. Elle ne savait pas encore qu’il avait été tué, mais dans sa dernière correspondance elle parle de lui au passé. Ces cartes portent la mention de retour à l’expéditeur.
Le contenu de ces correspondances a été relevé. Merci à Sylvia LACARRIÈRE de nous les avoir confiées.
Correspondance d’Henriette MENANT :
« Le 22 Mars 1915
Mon cher Fernand j’espérais bien avoir des nouvelles aujourd’hui, mais c’est en vain. Il est donc vrai que les correspondances sont retardées, ou bien t’est-il arrivé quelque chose. Je ne veux pas y croire. je vais encore avoir la patience jusqu’à demain. Mais quand donc on sortira de ce maudit cauchemar ? J’espère que ce sera bientôt. En attendant de te lire à nouveau je t’envoie toutes mes amitiés. je t’embrasse bien fort, ta mère. »
« Le 26 Mars 1915
Mon cher Fernand nous sommes bien tourmentés de ne pas avoir de nouvelles. Il t’es donc arrivé quelque chose, dans tous les cas essaye donc de nous envoyer quelques mots pour nous rassurer. ton père se joint à moi pour t’embraser. ta mère »
« Le 27 Mars 1915
Mon cher Fernand que t’es-til donc arrivé pour que nous ne recevions plus de nouvelles. Faut-il que nous subissions le sort de tant d’autres jamais je ne supporterai une affaire pareille moi qui avait toujours espoir, que le sort est cruel pour certains, et comment faire pour savoir. Je suis folle de douleur d’être dans une incertitude pareille, moi ta mère qui n’avait que toi, mon seul espoir, si tu dois rester là bas plustôt mourir ta mère qui t’aimait tant. »
Henriette MENANT décédera en 1952. Quant à son mari, il est mort trois mois après son fils.
Sources de l’acte de naissance des jumelles Élise et Alexandrine SARAZIN :
– [Archives en ligne de l’Yonne, Vermenton : NMD ( 1863-1866 ) – 5 Mi 1008/ 3 page 04]
– permalien : https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta53481b39b8bb6/daogrp/0/4